Actus scientifiques

Zoom sur la reproduction des méduses au Seaquarium Institut Marin

Le 04 novembre 2024

Dans les coulisses du Seaquarium Institut Marin, l’aquariologie devient un art de précision, un travail d’orfèvre! Pour maintenir et reproduire des espèces de méduses, comme la méduse Cassiopée Cassiopea xamachana ou la méduse boulet de canon Stomolophus sp., ou encore la méduse Aurélie Aurelia Aurita, les experts nommés « aquarios » assurent avec la gestion des paramètres de ces espèces gélatineuses plus redoutées qu’appréciées.

Soigneur de méduse, rencontre avec Romain

L’aquariologie, discipline en pleine évolution, permet d’approfondir les connaissances des espèces, et notamment de cette famille si spécifique : les cnidaires. En interne, dans nos labos, les équipes travaillent pour leur reproduction et participent ainsi aux programmes de d’échanges et de reproduction pour leur protection et leur conservation.

Interview avec Romain

Technicien aquariologiste et soigneur de méduses

Bonjour Romain, en quoi consiste le métier de technicien aquariologiste et pourquoi le qualifie-t-on de “métier d’orfèvre”?

Romain : Être technicien aquariologiste, c’est un métier de précision. Nous devons maîtriser chaque paramètre de l’environnement des méduses : la salinité, la température, la circulation de l’eau (ou “courantologie”) et bien sûr, l’alimentation, qui évolue à chaque stade de développement. Un simple oubli ou écart de précision peut avoir des conséquences sur tout un bassin de méduses.

Peux-tu nous expliquer les étapes principales de la reproduction des méduses ?

Romain : C’est assez complexe mais on va essayer de faire simple. Tout d’abord il faut se rappeler que la méduse est un animal qui nage et qui flotte mais qui elle ne peut pas lutter contre la force des courants marins et du vent. Ces pour ces raisons que scientifiquement elles appartiennent à la catégorie du zooplancton, du grec planktos qui signifie errant, instable. Elles sont aussi constituées à 98% d’eau!

Les méduses appartiennent à la catégorie du zooplancton

La vie d’une méduse commence sous forme de stade larvaire appelé la larve planula qui elle va venir se fixer sur un support, généralement un substrat pour donner un polype, une petite structure qui peut se multiplier pour former d’autres polypes. Ensuite, les polypes se transforment en éphyrules, qui sont des jeunes méduses. Ces éphyrules, un peu comme des miniatures des méduses adultes, grandissent en plusieurs étapes jusqu’à atteindre leur forme adulte. Une méduse adulte, à son tour, peut produire des milliers de polypes, et le cycle recommence !

méduse Cassiopée

Dans quel environnement les jeunes méduses sont-elles élevées ?

Romain : Nous utilisons des bacs ronds appelés “kreisel” . Sa forme arrondie permet de créer un courant doux et rotatif qui empêche les méduses, très fragiles, de heurter les parois. Ce système reproduit un environnement naturel en maintenant les particules en suspension pour que la filtration les capture facilement sans déranger les méduses.

Un kreisel est un bac ou aquarium spécialisé, utilisé en aquariophilie pour l’élevage d’animaux marins délicats, comme les méduses, les larves de poissons, ou de petits invertébrés planctoniques.

Et pour le nettoyage de ces bacs, comment procédez-vous ?

Romain : Là aussi, tout est fait avec soin. Chaque méduse est retirée une par une à l’aide d’une pipette. Le bac est ensuite vidé et nettoyé avec une éponge, que nous on appelle « éponge magique », puis rincé et rempli d’eau de mer à température contrôlée. On fait très attention à ne pas retourner l’ombrelle de la méduse (son “chapeau”), car ça pourrait causer une malformation ou la perte de la méduse.

Le protocole est écrit et imprimé juste au-dessus des bacs pour pouvoir passer le relais aux collègues et ne pas se tromper dans les manipulations.

Les méduses sont prélevées une par une avec une pipette

En termes d’alimentation, de quoi se nourrissent les méduses à chaque stade ?

Romain : Nous adaptons la nourriture en fonction de leur stade de vie. Les rotifères, sont nourris avec des microalgues, qui sont d’abord donnés aux polypes. Plus tard, les jeunes méduses passent aux nauplies d’artémia pour faire simple, c’est le premier stade larvaire de nombreux crustacés, tels que les artémias que l’on appelle souvent « crevettes de mer » ou les copépodes.

Pour les adultes, nous les nourrissons deux fois par jour avec des nauplies. Si besoin, nous utilisons des copépodes congelés en alternative.

Nourrissage des petites méduses

Enfin, quel est le rôle des méduses dans l’écologie, et comment leur mode de reproduction s’adapte-t-il ?

Romain : Les méduses sont un exemple de ce qu’on appelle la stratégie R en écologie : elles vivent rapidement et se reproduisent massivement, ce qui leur permet de s’adapter aux changements de l’environnement, même en conditions difficiles. A ce sujet, on parle d’ailleurs régulièrement de gélification des océans à cause de la surpêche, du réchauffement climatique, de la pollution, de l’acidification. C’est des espèces incroyables, fascinantes car elles résistent presque à tout !

Les méduses sont prélevées une par une avec une pipette

Depuis quelques années on voit passer plusieurs sujets dans les médias sur leur aspect « immortel », c’est vrai ?

Romain : Oui et non, la particularité de la méduse et plus particulièrement de certains groupes de cnidaires, c’est qu’elle est capable de revenir au stade “juvénile” avant de se développer de nouveau. C’est-à-dire qu’elle revient au stade de polype , chez l’être humain c’est comme si on pouvait revenir au stade embryonnaire.

Ce polype se développe et aboutit au clone de son ancienne vie d’adulte. La plus connue est la Turritopsis Dohrnii est capable de répéter ce processus adulte-polype-adulte indéfiniment, la rendant biologiquement immortelle mais elle n’est pas présente au Seaquarium.

Les gens pensent que les polypes sont directement les larves souches, qui précèdent les méduses adultes. C’est la rencontre entre un spermatozoïde et un ovule qui va créer la larve de planula et cette planula qui se fixe sur un substrat pour procéder à leur métamorphose en polype primaire (directement des larves de planulas)  ou de polypes secondaires par ce qu’on appelle « le bourgeonnement » d’un autre polype.

Schéma reproduction méduse Aurelia source: Cité de la Mer Dieppe

En général, comme je l’expliquais avant, elles suivent un cycle de reproduction en plusieurs phases : elles passent par des stades de larve planula, puis de polype puis d’éphyrule avant de devenir méduses adultes, mais elles finissent leur vie en se dégradant comme beaucoup d’autres organismes. La vraie particularité c’est que le cycle de vie des méduses implique une alternance entre une phase sexuée et une phase asexuée.

Lors de la phase asexuée, un polype peut se multiplier sans passer par la reproduction sexuée, ce qui leur permet de former de nouveaux individus sans forcément « vieillir » au sens où on l’entend pour d’autres animaux. Mais pour la plupart des espèces, cela ne leur donne pas une vraie immortalité ; elles ont bien un cycle de vie limité.

Merci Romain, tant d’explications nous donne une seule envie….les découvrir au Seaquarium Institut Marin!

Les nauplies représentent le premier stade larvaire de l’artémia et sont initialement présentes sous forme de cystes, c’est-à-dire enveloppées dans une carapace résistante qui peut être déshydratée pour le stockage.

Lors de l’éclosion, les cystes se séparent des larves, qui sont ensuite enrichies en compléments gras (comme le Selco) avant d’être données aux méduses, optimisant ainsi leur apport nutritionnel.

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